Les débats n’ont jamais cessé
En 1983, l’ancienne ministre des Droits de la femme, Yvette Roudy a annoncé au journal de 20H son projet de loi anti-sexiste qui autorisait notamment les poursuites pour toute atteinte à l’image et la dignité de la femme. Elle croyait au fort effet dissuasif, comme cela avait été le cas pour la loi antiraciste de 1972. En réalité cette loi n’a jamais été présentée à l’Assemblée nationale. Les médias de l’époque qualifiaient Yvette Roudy comme « l’ayatollah Roudy » souhaitant instaurer une « police des fantasmes » et voulant « tuer l’érotisme . Dans son article « La femme, la pub et la haine » (parue dans Le Monde du 4 mai 1983), Simone de Beauvoir monte au créneau pour la défendre et tire à boulets rouges sur les publicitaires : « Cette petite minorité de profiteurs, enragés comme des chiens à qui on menacerait de retirer leur os : ils sont soutenus par de nombreux journaux car ils vivent en grande partie de la publicité ». Elle explique qu’une telle loi accorderait aux femmes qui se sentiraient agressées « un pouvoir de contestation » et non de censure. Et comme dans toutes démocraties, les juges trancheraient.
En 2001, une nouvelle tentative lancée par la Meute, echoue à nouveau.
Et le 1er mars 2010, la Meute n’a pas renoncé car dans une lettre ouverte aux présidents de la République, du Sénat et de l’Assemblée nationale, elle demande la création d’une instance chargée d’examiner toutes les publicités avant leur diffusion dans l’espace public.
L’égalité entre les deux sexes ?
L’enjeu devient un peu plus complexe aujourd’hui avec le phénomène « d’homme objet » qui s’est développé presque comme une « concurrence » de l’image féminine, longtemps et largement représentée dans les médias comme un objet de désir. (Cette vogue commence en 1997, Coca cola reprend le flambeau et transforme l’homme en un objet sexuel dans le fameux film donnant à toutes les femmes rendez-vous à 11h30 pour voir le livreur siroter son Coca Light.
Ce phénomène n’est ni une victoire du féminisme, ni de la parité, mais un révélateur de mœurs en changement. Les femmes n’hésitent plus à dire tout haut qu’elles apprécient la beauté du corps masculin. Un bouleversement en profondeur des deux sexes se dessine même.
Si l’homme-objet est avant tout un phénomène commercial. Rappelons nous que dans la Recommandation Image de la personne humaine de l’ARPP, il est bien noté le principe de“ ne pas réduire la personne humaine à la fonction d’objet “.
Comment se construit l’interprétation? (analyse iconologique)
Simone de Beauvoir a cité un exemple d’une femme demandant dans Le Nouvel Observateur : « Suffit-il de brûler les images pour libérer les femmes ? »
La réponse à cette question est non, bien sûr, sinon ce sera trop facile, cela ne les libère pas des interprétations sociales qui sont très fortement liées aux symboles préétablies dans les contextes.
L’image de la femme dans la publicité est née aussi avec l’interprétation commune des symboles, c’est un processus comprenant les éléments historiques, sociales, psychologique, coutumier etc.
Les significations sont confiées artificiellement aux symboles d’une manière parfois déraisonnable, selon le contexte social. Il n’existe pas de symbole naturellement lié à une signification sans l’intervention humaine.
Il est donc intéressant de regarder les deux cotés du processus de la transmission du message pour mieux comprendre que, si on veut changer l’image stéréotypée de la femme dans la publicité audiovisuelle, il ne s’agit pas de simples réglementations dans le domaine, mais d’une évolution sociale beaucoup plus longue et compliquée.
- Du côté codage : les concepteurs publicitaires font automatiquement la liaison entre l’image féminine et le rôle secondaire de la société, aux objets sexuels, etc. Inconsciemment, ils admettent que les femmes sont faites pour être mères ou objet esthétique.
- Du côté décodage : Prenons l’exemple suivant pour illustrer le mécanisme: Imaginez une femme en train de préparer le dîner. Pour la plupart d’entre nous, cette scène met en lumière l’image d’une femme destinée à faire le ménage et à entretenir sa famille. Pourtant, si on pousse la réflexion, ce n’est pas la seule interprétation possible. On pourrait tout aussi comprendre que puisque la femme nourrit l’homme, c’est donc elle qui a le pouvoir. Et dans cette réflexion ce serait donc l’homme qui serait finalement soumis à la femme. Mais ce point de vue ne satisferait probablement pas l’avis de la majorité. Pourquoi ? Parce que « l’image traditionnelle » de la femme est si profondément ancrée dans la conscience collective, que très souvent on s’adapte malgré soi, à une vision masculine, historiquement dominante, à travers le monde.
La publicité ne crée pas le mouvement social, elle s’en fait l’écho. Avec sa forte présence et les supports multiples, elle amplifie les images, tout comme une loupe, et exerce une puissance sur les mentalités collectives dans la société actuelle.
Interdire ou éliminer toutes les scènes où les femmes font le ménage ou s’habillent de manière « sexy » n’auraient pas de sens, mais un effort de responsabilisation collective est nécessaire pour empêcher les dérives publicitaires sur l’image de la femme.
Les mécanismes d‘autorégulation professionnelle sont donc bien adaptés à cette problématique et ont été confirmés à l’occasion des multiples tentatives de légiférer.