État des lieux

L’égalité des droits des hommes et des femmes : un principe pas si vieux  qui peine à devenir une réalité en France.

Malgré un arsenal législatif imposant et une évolution réelle de la société civile, l’égalité des hommes et des femmes peine à devenir une réalité comme le montre le 9ème rapport du Ministère du Travail établi en mars 2010 des Chiffres clés de l’égalité entre les hommes et les femmes.

En 2009, prés d’une plainte sur 10, reçue par la Halde concernent des discriminations liées au sexe. Aucune évolution de fond n’a été relevée depuis 1986 sur le partage des tâches ménagères dans le couple. Mais les femmes, inconsciemment, en sont autant responsables que les hommes selon la sociologue Edith Sizzo.

La publicité telle un écho de la société véhicule elle aussi des stéréotypes ancestraux. L’importance de son audience explique pourquoi les mouvements féministes en ont fait leur cheval de bataille depuis les années 80 pour tenter de faire évoluer les mentalités.

En cohérence avec le mouvement d’émancipation de la femme engagé depuis 50 ans, une réglementation s’est développée concernant l’utilisation de l’image des femmes dans la publicité pour lutter en faveur de l’égalité des droits des hommes et des femmes.

La publicité ne doit pas porter atteinte à la dignité humaine, ni compter de discriminations en raison du sexe, tels sont les principes fondamentaux posés les dispositions législatives et réglementaires et principalement les normes élaborées par les professionnels.

En France, le respect de la dignité de la personne est encadré par des dispositions d’ordre général et par des dispositions spécifiquement dédiées aux médias.

  • En matière civile, l’atteinte à la dignité de la personne humaine est considérée comme un délit permettant une action en justice dès lors qu’un dommage est causé à autrui.
  • En matière pénale, le sexe est une discrimination interdite pour opérer une distinction entre deux personnes dans l’accès à l’emploi, les conditions d’emploi et les refus de fournitures de biens et de services.

Concernant l’audiovisuel, la liberté d’expression est  limitée par un certain nombre de restrictions, au premier rang desquelles se trouvent également le respect de la dignité humaine. Le CSA (Conseil Supérieur de l’audiovisuel) veille d’une part au respect de cette dignité et d’autre part, à ce que les programmes ne contiennent aucune incitation à la haine et à la violence en particulier pour des raisons de sexe. La CSA a donc la compétence particulière de contrôler les messages publicitaires audiovisuels. Il peut sanctionner les manquements à la loi.

En accord avec les professionnels, le CSA est passé progressivement d’un contrôle à priori systématique des publicités à un contrôle à postériori sur demande.

Seule la publicité́ télévisuelle est restée soumise de façon systématique à l’examen préalable.

Depuis 1993, le CSA a  délégué à l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) l’examen des publicités audiovisuelles, un organisme indépendant de l’Etat.

Cette délégation de contrôle à un organisme professionnel a été perçue par les uns comme un désintérêt de l’Etat, par les autres comme un gage du fonctionnement responsable de l’auto-régulation de cette profession.

Car depuis plus de 75 ans, les acteurs majeurs de la publicité (agences, annonceurs, supports de publicité, syndicats professionnels) se sont réunis au sein de l’ARPP et ont mis en place des mécanismes d’autorégulation originaux dans une France qui utilise traditionnellement l’arsenal juridique pour réglementer.

Le principe d’autodiscipline s’incarne principalement dans des règles déontologiques  qui  prennent la forme de recommandations . Les adhérents volontaires de l’ARPṔ s’engagent à les respecter. Elles sont établies en fonction du cadre réglementaire et évoluent aussi en fonction de ce que la société est prête à accepter.

Objet de vives critiques depuis la fin des années 90, l’ARPP, instance d’auto régulation unique en France,  a connu une profonde réorganisation ces dernières années afin d’être plus en phase avec l’évolution de la société.

L’évolution de l’auto-régulation sous la pression de la société civile

Malgré la pression des associations féministes qui militaient depuis les années 80 et encore en 2001 pour une loi interdisant les publicités sexistes, le principe de l’autorégulation a été préservé mais au prix d’une profonde modification de son organisation et d’une évolution de ses normes professionnelles.

Les associations féministes ont mené ponctuellement des actions contre des campagnes publicitaires qui présentaient des images dégradantes ou dévalorisantes des femmes.

Qu’il s’agisse notamment de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes (AVFT), de l’Union féminine civique et sociale (UFCS) ou au début des années 2000, de La Meute ou des Chiennes de garde. Ces associations ont directement interpellé les annonceurs après la parution de publicités qu’elles considéraient comme attentatoires à l’image des femmes ou incitatrices à la violence.

Focus sur la Meute

Dans le domaine de la réglementation de la publicité  sur les femmes, un des mouvements les plus actifs  est celui de La Meute, un réseau féministe mixte et international, engagé contre la publicité sexiste. C’est Florence Montreynaud, écrivaine et féministe, qui a pris l’initiative de ce mouvement afin de résister à la violence machiste symbolique :

Un Manifeste  » Non à la pub sexiste !  » est  lancé le 28 septembre 2000. Ses demandes : (extrait du Manifeste)

« Nous demandons À toutes et à tous de réagir aux publicités sexistes et de ne plus acheter les produits vantés par celles-ci. Nous répondrons à cette violence par le refus de ce que ces publicités veulent nous faire acheter. Aux publicitaires et aux annonceurs de s’engager à ne pas représenter des êtres humains de manière dégradante, dévalorisante ou déshumanisante.

Aux médias de refuser de diffuser des publicités sexistes. Aux élu-es de prendre des mesures pour faire cesser les publicités sexistes : qu’ils enjoignent aux publicitaires, aux annonceurs et aux médias d’adopter un code de bonne conduite, élaboré en concertation avec des féministes signataires de ce Manifeste ; qu’ils votent une loi antisexiste pour encadrer les pratiques publicitaires. « 

Une fois ce manifeste lancé, La Meute a dénoncé en utilisant la force naissante d’internet, la multiplication des publicités qui plaçaient les femmes dans des situations humiliantes et dégradantes, ou portant atteinte à la dignité humaine avec des images incitant à la violence contre les femmes ou à la discrimination en raison du sexe. Ces images consistaient à montrer des corps salis, enchaînés, représentés dans des postures animales, des visages portant des hématomes, des allusions à des situations de viols ou de violences conjugales.

Début 2001, le Secrétariat d’Etat aux Droits des femmes s’est saisi de la question et  a lancé un travail approfondi d’investigation sur l’image des femmes dans la publicité dans le but de lutter contre les violences et la discrimination à l’aide d’un groupe de travail constitué de toutes les parties prenantes (publicitaires, annonceurs, luxe, associations civiles,…).

En juillet 2001, afin d’endiguer les dérives confirmées par le groupe de travail, des propositions ont été établies dans un rapport public selon 4 axes :

  • Une responsabilisation accrue des professionnels;
  • Une actualisation des textes en vigueur, permettant de sanctionner les atteintes à l’image des femmes;
  • Un renforcement de la capacité de parole et d’action conférée au corps social, s’exprimant plus particulièrement à travers la voix des associations de lutte contre les violences faites aux femmes et contre les discriminations ;
  • Des mesures d’accompagnement, à la fois en terme d’éducation et de conditions à mettre en œuvre pour permettre l’émergence du débat public sur cette question de l’image des femmes dans la publicité.

Ces propositions sont à l’origine de la transformation de l’ARPP.