Prescripteurs d’achat
Notre environnement économique et social actuel confère un statut particulier à l’enfant au sein de la cellule familiale, lui donnant une place de plus en plus importante qui s’accompagne d’un pouvoir décisionnel non négligeable en matière de consommation. Les enfants sont devenus de véritables prescripteurs, influençant les achats quotidiens des familles. Face à ce constat, Les annonceurs orientent ainsi leurs spots de publicités pour toucher parents et grands-parents (détenteurs du pouvoir d’achat) par le truchement de leurs enfants et petits-enfants.
La sphère d’influence des enfants prescripteurs englobe la plupart des produits et services se rapportant à la vie familiale : produits alimentaires (confiseries, céréales, goûtés, etc.), loisirs, fournitures scolaires et vacances étant les domaines les plus représentatifs. Les publicités touchant ces domaines sont ainsi conçues en tenant compte de cette tendance. Illustrons cela par quelques exemples concrets :
« Et paf, ça fait des Chocapic ! » et « Disney, rien que d’y penser ça fait rêver »
On remarque que plusieurs de ces publicités mettent en scène des mascottes, séquences en dessin animé, atmosphère familiale et cadre enfantin qui interpellent directement les jeunes téléspectateurs. L’usage de slogans (cachant parfois un second sens, sous forme de clin d’œil aux adultes) que les enfants peuvent facilement s’approprier n’est d’ailleurs pas anodin. Même si le pouvoir d’achat est détenu par les adultes, il est clair que ces spots publicitaires ciblent avant toute chose leurs rejetons. On peut y voir alors une certaine instrumentalisation de l’enfant en vue de mettre à profit son pouvoir de prescription, et le pousser à faire pression sur ses parents.
Certaines publicités vont même jusqu’à fournir à l’enfant les clefs lui permettant d’obtenir ce qu’il désire (en l’occurrence le produit/service dont les mérites lui sont vantés dans le spot). La publicité Kinder Pingui en est le parfait exemple, mettant en scène des enfants malicieux redoublant d’inventivité pour rappeler à leur mère de ne pas oublier de passer par la case rayon frais du super marché pour dévaliser le stock de leur goûté préféré. De plus ou moins subtils mécanismes de persuasions sont aussi dispensés aux enfants pour saper l’autorité des parents, tel que l’art de la répétition, à l’efficacité redoutable.
Publicité Kinder Pingui
Il est aussi intéressant de noter que les enfants se retrouvent prescripteurs de nombres de produits destinés essentiellement aux adultes. Prenons l’exemple de la fameuse publicité du constructeur automobile Peugeot pour sa Peugeot 806, dans laquelle un jeune enfant, les bras croisés, s’obstine à dire 806 alors que son médecin lui demande de répéter 33. Publicité qui se clôt avec le slogan révélateur « Peugeot 806, la voiture que les enfants conseillent à leur parents ». Parfait exemple de l’enfant prescripteur tout puissant allant même jusqu’à choisir la voiture de ses parents.
Peugeot 806
Utilisation et identification de l’enfant dans les publicités
Depuis les années 90 l’utilisation des enfants dans les publicités a fortement augmenté. Aujourd’hui près de 20% des publicités mettent en avant des enfants à travers toutes les spécificités qu’ils incarnent. Les enfants ne sont pas forcément visés à travers les publicités dans lesquelles ils jouent comme par exemple les publicités pour vêtements, voitures, ou alors les sonneries de portable. L’enfant est parfois même utilisé pour sensibiliser l’opinion publique.
Dans un premier temps l’enfant acteur va toucher l’enfant spectateur. En effet il est évident que pour vendre, l’enfant consommateur va devoir s’identifier à l’enfant acteur. L’enfant consommateur va essayer d’acquérir le bonheur que détient l’enfant acteur en possédant le fameux produit mis en avant par le spot publicitaire. L’enfant n’est pas utilisé aléatoirement et plusieurs caractères possibles de ce dernier vont se dégager selon les publicités. Si nous prenons les publicités de “Prince de Lu” ou de “Pepito”, ces protagonistes reflètent l’âme de véritables aventuriers et l’enfant va vouloir s’identifier à eux et acheter leurs produits.
Vidéo Prince de Lu et Vidéo Pépito
Un enfant plutôt surdoué s’identifiera mieux à des publicités où le protagoniste du spot publicitaire fera valoir son intelligence et sa ruse. Le grand avantage d’identifier l’enfant à des héros de spot publicitaire et de les faire consommer réside dans le fait que les enfants aiment se comparer aux autres et échanger leurs nouveautés avec d’autres enfants dans les cours de récréation par exemple. Ce processus va permettre de faire également de la publicité pour le même produit sans moindre coût.
Dans un dernier temps l’enfant acteur va toucher une plus large palette de la population. Par exemple l’utilisation de l’enfant dans des publicités automobiles est intéressante car ce sont ces derniers qui sont les décideurs dans le choix de la voiture. Tout ceci vient du fait que les parents se sentent très rapidement coupables dès que leurs enfants ne possèdent pas ce qu’ils pourraient y avoir de mieux et de plus pratique pour eux.
« Gervais aux fruits, le petit pot des os costauds », l’enfant ici demande implicitement à avoir des os costaud et les parents, eux, vont méditer : « si je veux qu’ils aient une meilleure croissance, il va falloir que j’achète des Gervais ». On peut y voir ici un principe de fausse irresponsabilité. En effet si les parents n’achètent pas ce produit alors ils sont plus ou moins responsables, si elle advenait, de la future mauvaise santé de leurs enfants.
Vidéo Gervais aux fruits
L’enfant est donc un moyen efficace de toucher un très grand panel de la population en faisant s’identifier les téléspectateurs par rapport à l’image de l’enfant qu’est projetée à la télévision. L’enfant à la télévision représente la joie, la tendresse, l’humour… mais c’est aussi l’identification et la sensibilisation, parfois trop exagérées, qui permettent d’accroître de façon démesurée l’achat d’un produit.