Nous l’avons vu l’utilisation de l’enfant dans la publicité est parfois délicate pour les annonceurs. Avant l’âge de 12 ans, un enfant aura vu près de 100 000 spots publicitaires. La question de la publicité destinée aux enfants, ou la publicité qu’ils peuvent apercevoir sur les écrans, s’est donc posée dans de nombreux pays. Ce ne sont pas moins de 60 états qui régulent les publicités destinées aux jeunes publics. Alors que peuvent-ils voir et jusqu’où peut-on se servir d’eux dans les publicités ? Existe-t-il des limites morales à les utiliser pour certains produits ?
Petit tour rapide en Europe. Il faut savoir qu’au Danemark, depuis 1997, une loi précise que « les enfants de moins de 14 ans ne peuvent figurer dans les publicités télévisuelles que si leur présence est indispensable pour expliquer ou démontrer l’utilisation d’un produit spécifique à l’enfant ». La législation espagnole a introduit une disposition similaire, quoique plus souple : « les enfants ne peuvent être les personnages principaux des produits sauf pour des produits les concernant. » En Finlande, la loi est plus drastique puisque « l’enfant ne peut être acteur principal d’une publicité que si celle-ci traite de santé et d’éducation ». Dans la même idée, de l’autre côté de l’Atlantique, le Canada se veut d’être une référence en la protection des enfants. Depuis 1989, « nul ne peut faire de la publicité à but commercial destinés à des personnes de moins de treize ans ». Et on en vient au Royaume-Uni, où « les enfants ne peuvent pas être utilisés pour présenter des produits ou des services qu’ils ne pourraient pas acheter eux-mêmes ». Nous le voyons donc bien, dans certains pays, l’enfant ne peut être utilisé que pour des produits destinés à lui. Or en France et aux Etats-Unis, deux publicités pour les préservatifs ont pour personnage principal : un enfant. Où est donc la limite morale ? Jusqu’où l’enfant peut-il être utilisé ?
Prenons des exemples concrets
Dans le premier cas, il s’agit d’une publicité américaine diffusée en France pour la marque Hansaplast. Or ce ne sont pas les pansements qui sont mis en avant mais bien les préservatifs de la marque ! Plutôt drôle, la publicité pourrait être classée dans la catégorie « humour » bien que l’utilisation de l’enfant en personnage principal pour la vente d’un préservatif, même si cela reste subjectif, peut choquer ! « Ma maman m’a dit que je peux » ! Dans la publicité on peut voir un enfant multipliant les bêtises en prétextant avoir eu l’accord de sa mère. Ce n’est qu’à la fin du spot publicitaire qu’on se rend compte que la mère en pleine ébats amoureux criait « oui,oui,oui ». Il y a donc un quiproquo pour l’enfant qui prend ça pour une autorisation. On le voit bien ici la France semble donc autoriser l’utilisation de l’enfant même pour des produits qui ne lui sont pas directement destinés.
Plus loin encore, cette publicité met en évidence la question même de l’interprétation des images par les enfants. La présence d’enfants dans un spot laisse clairement penser que le message publicitaire peut-être reçu par un autre enfant qui se trouve lui de l’autre côté de son écran. Or, il n’en est rien dans la mesure où le message ne tient qu’aux publicitaires.
Ma maman m’a dit que je peux !
Deuxième cas de publicité pour les préservatifs mais beaucoup plus suggestif : une publicité américaine qui utilise l’humour, une fois encore. Un père et son fils sont au supermarché. Le fils met un paquet de chips/bonbons dans le caddie puis le père replace le paquet dans le rayon. Une sorte de ping pong s’enchaine entre les deux jusqu’au moment où le petit pique une crise ! Il se met à hurler et jeter tout ce qu’il trouve sur les étalages. Le père semble désespéré et l’on voit apparaître la phrase “Use condoms” soit “utilisez des préservatifs” pour ne pas avoir d’enfants et se retrouver avec un tel petit monstre ! Une fois de plus, le rôle de l’enfant se contente à celui d’ “enfant objet”. On se sert de lui, de son image, de ses stéréotypes pour attirer les consommateurs. Le Code des pratiques loyales en matière de publicité de la Chambre de Commerce Internationale de l’ARPP contient des dispositions générales, reconnues par l’ensemble des professionnels. Certaines, depuis l’origine, s’appliquent directement à la publicité qui s’adresse aux enfants. L’une d’elle explique bien que la publicité ne doit pas mettre en scène l’enfant dans des situations susceptibles de le dévaloriser ou de porter atteinte à son intégrité physique ou morale. Et l’on voit bien que dans cette publicité, on parle carrément du déni de l’enfant en ne procréant plus car il serait insupportable !
“Use condoms” http://www.youtube.com/watch?v=s2Sx6G_3im8
A ce jour, aucun texte n’interdit un publicitaire de heurter l’imaginaire d’un enfant. C’est pourquoi l’ARPP prône de plus en plus l’autodiscipline de la part des publicitaires eux-mêmes, pour cela elle utilise le même cheval de bataille : les spots publicitaires.
La retenue dans la création publicitaire n’est pas la seule à être remise en question. Plus récemment, il a été critiqué le choix des créneaux horaires pour la diffusion de certains spots. C’est ainsi qu’a été soulevée récemment une polémique : une publicité pour le Crédit Mutuel apprend que “le père noël n’existe pas” aux enfants qui attendaient avec impatience le dessin animé Ratatouille à suivre.
Même si les institutions tentent de réguler et d’assurer une relative protection vis à vis des enfants, il n’en reste pas moins que la meilleure protection reste la vigilance et la prévoyance des parents quant à l’absorption des messages télévisuels. Comment alors protéger son enfant ? Les recommandations du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel sont les mêmes que celles appliquées à la télévision plus généralement :
- Avant 3 ans : leur éviter la télévision.
- Avant 8 ans : bien choisir les programmes et uniquement ceux à destination des enfants (dessins animés, programmes éducatifs…).
- Limiter le temps devant l’écran.